Il y a également un travail de réflexion attentive sur l’image que les associations et les militants vont effectuer, en se demandant quelles images montrer et comment.
“Qu’est-ce qu’on montre et quel discours on raconte pour essayer de capter l’attention ? Cette opinion publique, comment peut-on la persuader qu’il faut changer de politique ?”
C’est un choix très difficile à faire, car la réalité des parcours migratoires est tellement dure, qu’elle est facilement rejetable par le grand publique.
Swanie : « Il y a toute une réflexion : comment faire passer un message ? Comment essayer de toucher des personnes qui ne sont pas déjà convaincues qu’il faudrait changer les choses ? Le choix fait par Hara Kaminara, c’est le choix de la poésie. En mêlant des images extrêmement dures à des images très douces, en choisissant l’approche de la poésie. Cette question du “beau”, est aussi quelque chose que nous avions retrouvé pendant un entretien avec un militant qui secourt des personnes dans la forêt entre la Pologne et la Biélorussie. Il nous racontait les conditions affreuses dans lesquelles les gens traversaient cette frontière. Il confie qu’un matin, ils ont eu l’information que la personne qu’ils étaient en train d’essayer de retrouver dans la forêt était morte. Il nous a dit : “c’était le petit matin, il a commencé à neiger, on s’est assis par terre pour que les militaires ne nous voient pas. On attendait là dans le silence de savoir ce qu’on allait faire par la suite. Je me rappelle que dans ce moment de tristesse, j’ai pensé que cette forêt était la dernière forêt primaire d’Europe et que j’avais la chance de vivre un moment très beau. Je me suis senti à ma place.”
Est-ce que donc valoriser avec des belles images une réalité terrible a un sens ?
“Ce film, c’est sur le beau, l’esthétisme et je trouve que c’est quelque chose d’important à faire passer aussi, les gens qui ont cet engagement ont besoin de voir le beau dans ce qu’ils font. Ce sont aussi des gens qui y mettent un sens et qui, quelque part, sont satisfaits parce qu’ils se sentent à leur place : ils agissent, c’est une façon de regagner de la puissance, du pouvoir d’agir. Quand on est devant nos écrans, quand on va voter, on a l’impression que ce qu’on fait, ça ne sert à rien. Quand on sort quelqu’un d’une situation terrible, on a l’impression de faire quelque chose, d‘agir. Je trouve que cette volonté d’agir est très intéressante, c’est une façon de faire de la politique au niveau individuel.”